L’Urbex, une pratique en pleine expansion

20/9/20

Actualités

Le numérique fait partie intégrante de la photographie moderne, c’est donc pour cela que nous allons également aborder cette discipline dans nos pages. L’une des pratiques les plus à la mode actuellement est sans nul doute l’Urbex. Intrigante, passionnante, mais aussi dangereuse et interdite, nous allons nous intéresser à ce qui se cache réellement sous ce terme que nous voyons de plus en plus.

Le terme d’“urbex” en lui-même est une abréviation de l’anglais “URBan EXploration”, soit “exploration urbaine” en français. Il provient de Jeff Chapman, alias Ninjalicious, l’un des plus célèbres explorateurs urbains, décédé à l’âge de 32 ans. Il s’agit au sens premier d’un recueil de données sur des zones qui ont été délaissées et abandonnées. De par l’absence d’autorisations de la part des propriétaires ou des pouvoirs publics, l’activité est clandestine. Les lieux visités sont pour la plupart abandonnés et/ou difficiles d’accès. L’activité se développe grandement en région parisienne à la fin des années 1990. On va explorer les friches, on s’éloigne des zones fréquentées, on va par exemple préférer visiter le toit d’une église à ses chapelles intérieures.

L’abbaye de Whitby est l’un des célèbres lieux religieux abandonnés de Grande-Bretagne.

Selon Darmon Richter, explorateur urbain britannique : “L’exploration urbaine est essentiellement une façon d’atteindre à de nouvelles perspectives sur le monde qui nous environne. C’est regarder un endroit commun avec un nouveau regard, en visitant des sites où la majorité des gens ne penserait ou ne voudrait pas aller ou, peut-être, où ils ne pensent pas être autorisés à aller”. Il nous donne aussi une explication sur la diversité des lieux concernés : “C’est en fait un terme si vaste qu’il peut inclure tout et n’importe quoi depuis la visite des canalisations sous la ville où vous avez grandi jusqu’à l’infiltration d’un complexe militaire de haute-sécurité sur un continent étranger”.

De quel type de bâtiment provient ce couloir? École abandonnée, bâtiment administratif, lieu militaire?

L’activité est loin d’être récente. Preuve en est, beaucoup de périodes de l’Histoire ont connu un retour flamboyant de l’Antiquité où l’on aimait alors aller déambuler dans les ruines des glorieux lieux passés. Durant la période dite de l’Humanisme, puis celle des Lumières, on redécouvre le passé du Monde. Les lieux du passé ne sont alors pas ouverts à des visites comme nous les connaissons aujourd’hui, et il s’agit donc d’une véritable exploration. En ce qui concerne la naissance actuelle de l’Urbex en France, c’est en région parisienne dans les années 1980 qu’émerge véritablement la pratique. C’est là un dérivé de la cataphilie, qui est la visite clandestine des anciennes carrières souterraines de Paris (le mot dévie du langage qui renvoie aux célèbres catacombes de Paris). Le grand nombre de lieux abandonnés encouragent cette pratique. Les États-Unis et les pays anglo-saxons comptent alors déjà un grand nombre d’adeptes.

L’exploration des catacombes et autres lieux souterrains est un must de l’Urbex.

L’urbex regroupe en réalité plusieurs pratiques. Il n’y a pas qu’un seul type d’exploration possible. Chacun d’entre eux peut bien entendu donner lieu à de la photographie. Nous parlons là sous des termes de possibilité, car la photo n’est pas une obligation. Cependant, il semble bien rare que des urbex ne donnent pas lieu à des photographies (sans prendre en compte si elles sont publiées ensuite sur les réseaux sociaux ou non). Au cours de ce genre de sortie, il y a envie de conserver une trace. Parmi les différentes types d’explorations, on trouve :
- La toiturophilie : ce sont les toits qui sont visités, qu’il s’agisse d’immeubles, bâtiments historiques, etc. La pratique est principalement nocturne de par l’illégalité d’accès à de nombreux toits ainsi qu’à certains passages utilisés pour monter ;
- La cataphilie : il s’agit de l’exploration des anciennes carrières souterraines de Paris. Plusieurs objectifs ici, parmi lesquels l’intérêt historique, le besoin de solitude, le goût de l’interdit... Certaines techniques de spéléologie peuvent même parfois être utilisées ;
- L’exploration rurale : on s’introduit dans des lieu abandonnés en même temps que l’on profite de la quiétude campagnarde. Ce milieu est bien plus marginal et est souvent motivé par la connaissance d’un patrimoine industriel et artisanal (fermes, silos, usines, chantiers, coopératives...) ;
- Friches industrielles et lieux abandonnés : c’est là la visite de lieux industriels désaffectés. Cette pratique est strictement interdite à cause des dangers qu’elle entraîne (les lieux sont rarement sécurisés à leur fermeture officielle). Cette activité est l’une des plus facile à réaliser sur le principe (de par l’accès au lieu voulu notamment), mais il demeure difficile de trouver un site industriel abandonné encore préservé. Des sites abandonnés sont librement ouverts à la visite et sécurisés afin de permettre une alternative légale à cette pratique ;
- L’infiltration : il s’agit de rentrer sans autorisation dans des lieux en activité soit interdits au public, soit en-dehors des horaires d’ouverture : musées, monuments, tours, chantiers... L’infiltration est sans aucun doute la pratique qui présente légalement les plus grands risques ;
- Les réseaux d’adduction d’eaux et les égouts : essentiels dans les villes, ils participent pleinement à la gestion des eaux et nécessitent des conduites souterraines pour le transport et le stockage. Il s’agit d’un terrain de jeu supplémentaire pour certains explorateurs urbains. Attention à la dangerosité de la pratique, notamment en ce qui concerne les temps de pluie (l’eau monte parfois très vite, attention à ne pas y être pris au piège) ;
- Les ouvrages ferroviaires : tout ce qui touche au transport ferroviaire quel qu’il soit. Citons ici la gare internationale de Canfranc, en Espagne, véritable lieu de pèlerinage des amateurs d’urbex ;
- Les ouvrages militaires : ils fascinent, que ce soient des forts abandonnées, des châteaux ou bien encore des bunkers.

La gare de Canfranc (Espagne), l’un des lieux abandonnés les plus célèbres, qui sera bientôt transformé en grand hôtel de luxe.

Les risques liés à l’activité d’exploration urbaine sont nombreux.
Citons tout d’abord les risques juridiques. Comme nous l’avons dit, la discipline est illégale. S’introduire dans un lieu privé, qu’il soit utilisé ou à l’abandon, est illégal. Toutefois, en France, peu de lois interdisent vraiment l’activité, seuls quelques décrets ou règlements internes le font. Si l’on devait prouver la faille juridique autour de cette activité, nous parlerions des Untergunther, groupe d’explorateurs urbains, qui a même installé un atelier clandestin sous la coupole même du Panthéon.
Il ne faut pas non plus négliger les risques physiques. Ceux-ci sont malheureusement divers et variés : chute, effondrement de pierres, inondation, gaz...

Les chutes de pierres et effondrements sont fréquents dans les lieux abandonnés.

Mais le rôle du numérique dans tout cela? Car jusqu’à maintenant, nous parlons principalement de la pratique en elle-même, mais lions-là désormais au numérique.

Les rencontres se font principalement grâce à Internet, qui a donné vie à l’activité. Les forums et les réseaux sociaux aident à la rencontre pour des sorties d’urbex, tandis que Google Street View contribue à faciliter le repérage des lieux.
Internet permet également l’explosion de l’exploration urbaine. Beaucoup des pratiquants sont de ceux qui ont, au départ, vu des photographies d’urbex sur les réseaux, et ont alors été tentés par l’expérience. De plus, les amateurs peuvent s’y rencontrer et discuter.
De nombreux sites web, profils Flickr et pages Facebook sont créés afin de découvrir. Les discussions y sont parfois très animées, certains s’opposant sur certaines questions, dont notamment celle de dévoiler ou non ses lieux de sorties.

Actuellement, c’est principalement par la photographie que l’urbex gagne en renommée. Les clichés sont souvent originaux. Les photographes d’urbex respectent certaines règles, comme celle de ne jamais dégrader les lieux. Celui qui y entre ne peut laisser qu’une trace de son passage, signature murale par exemple. Au niveau du cliché, celui-ci ne doit absolument pas avoir été mis en scène, ce que l’on y voit est la réalité de l’instant. Il faut se servir des lieux tels qu’ils sont, sans les modifier. Une autre règle, mais de plus en plus bafouée, est de ne jamais dévoiler l’endroit où ont été pris les clichés.
Les photographes d’urbex peuvent alors s’aventurer dans des lieux relativement modernes ( ou non), sous un angle nouveau. C’est là un important renouveau qui séduit un nombre de plus en plus grand de photographes.

L’urbex est une discipline qui prend une ampleur de plus en plus grande. Sans même parler du numérique, elle éveille en chacun de nous une formidable volonté de découverte de lieux interdits.
Mais c’est en ce qui concerne la photographie que la discipline prend encore plus d’ampleur. Nous sommes arrivés à un moment où les photographes et les amateurs de photographie qui observent les clichés aiment le renouveau. Un photographe étant avant tout un amateur de belles captures du réel, l’appel des situations uniques et atypiques qu’offre l’urbex (tout en permettant une montée d’adrénaline face à l’interdit), semble alors s’expliquer aisément.
Dans un prochain article, nous nous entretiendrons avec des photographes qui pratiquent l’exploration urbaine...

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