Le renouveau de la sorcellerie sur Internet

28/9/20

Internet

Non, ce titre n’est pas une blague en interne, une private joke comme on dit, entre nous, membres de Colibri Media. C’est bel et bien un article sérieux que nous allons vous proposer ici.
La sorcellerie existe depuis bien longtemps, des siècles et des siècles. Il s’agit peut être même de l’une des pratiques les plus anciennes de l’Humanité. Elle existe toujours de nos jours, et sa forme s’est tout logiquement adaptée à nos sociétés modernes. Comment est-elle liée à Internet, comment s’y exprime-t-elle? C’est à ces questions-là que nous allons tenter de répondre ici.

Avant toute autre chose, arrêtons-nous sur une définition de ce qu’est la sorcellerie. Selon le Larousse, la sorcellerie est une “pratique magique en vue d’exercer une action, généralement néfaste, sur un être humain (sort, envoûtement, possession), sur des animaux ou des plantes (maladies du bétail, mauvaises récoltes, etc.)”. La définition est complétée en rajoutant : “Croyance qui prévaut dans certaines sociétés ou groupes sociaux, selon laquelle certaines catégories de malheurs peuvent être attribués à l’action malveillante et invisible d’individus”. De façon plus familière, il s’agit d’un(e) “manifestation, évènement extraordinaire d’origine mystérieuse qui semble relever de pratiques magiques, de forces surnaturelles”. Il est aussi possible de se pencher vers une définition issu d’une source spécialisée : “La sorcellerie est l’ensemble des pratiques fondées sur l’invocation et la manipulation des forces occultes. Ces rituels de magie font appel aux forces de la nature ainsi qu’aux esprits et démons. La sorcellerie est pratiquée depuis la nuit des temps et elle diffère d’une culture à une autre. Dans l’Egypte ancienne, la sorcellerie est basée sur des rituels de vénération des planètes et des étoiles (sorcellerie astrale). Pour la culture africaine, cette pratique se base sur les sacrifices et l’invocation des ancêtres”.
Quelle que soit la source de la définition, nous voyons que les mêmes notions reviennent. Il est question de forces qui dépassent la simple nature humaine, de choses surnaturelles, de conséquences sur du vivant…

Un grimoire, objet iconique de la sorcellerie.

La sorcellerie a été présente dans quasiment toutes les régions du globe. Des lieux sont par ailleurs restés célèbres pour des faits de sorcellerie. Salem (Etats-Unis) pour son immense chasse aux sorcières en 1692, et est par la suite entré dans la culture populaire. En Italie, un village y est comparé, il s’agit de Triora en Ligurie. Des femmes y furent accusées de sorcellerie ayant entraîné les maux de l’époque (épidémies, cannibalisme, perte de bétail…). Là-encore, cet aspect du lieu est toujours mis en avant notamment par les festivals et fêtes qui rappellent annuellement ce passé.
Certains pays sont notamment connus pour avoir de forts penchants pour les croyances et l’ésotérisme. En Europe, nous pensons à l’Islande, pays dans lequel culture païenne et christianisme se sont conjugués jusqu’en l’an 1000. Dans des lieux comme Holmavik, les rites et les croyances dont nous avons toujours trace mélangeaient sorts et symboles chrétiens. Nous pourrions encore parler de La Nouvelle Orléans (Louisiane), de pays africains, mais ce n’est pas le sujet ici.

Précisons juste que même en France, la sorcellerie est apparue dans beaucoup de zones. Colibri Media étant basé à Perpignan (Pyrénées-Orientales), précisons que le département ne déroge pas à la règle. Les fameuses Gorges de la Fou ont eu dans l’Histoire la réputation d’abriter des sorcières qui y vivaient recluses du monde.

L’image de la sorcière a évolué à travers les années.

Mais intéressons-nous désormais aux liens actuels entre la sorcellerie et Internet. En effet, dans ce que nous vous avons décrit ici afin de poser un contexte, nous sommes bien loin du milieu de l’Internet et du numérique. Mais de nos jours, tout le monde sait qu’Internet permet une formidable mise en avant de ses prestations et de ses services. La sorcellerie n’échappe pas à la règle. Fin 2017, la sorcellerie était même l’une des quinze plus grandes communautés du réseau social Tumblr.

Cela fait désormais plusieurs années que les internautes peuvent s’offrir des sorts à lancer sur des individus de leurs entourages. En 2015, un habitant du Massachussets a dépensé 16 800 dollars afin d’être entouré d’une protection magique et ésotérique, une sorte de bouclier en quelque sorte. Cette somme a beaucoup fait parler, une part de personnes proposant de la sorcellerie sur Internet s’indignant d’être payés pour jeter des sorts. L’efficacité n’est de plus pas toujours garantie, beaucoup de plateformes thématiques n’hésitant pas à mettre en avant le fait que la réussite est bien loin des 100%.

Le business est pourtant lucratif. Chacun d’entre eux lance une trentaine de sorts par mois (soit environ un par jour, le calcul est rapide), dont la plus grande partie sont en liens avec une histoire d’amour, qu’elle soit déjà existante ou bien justement pour la faire naître. Bien loin des 16 800 dollars, les formules classiques se vendent le plus souvent aux alentours des 25 dollars. En effet, celles et ceux qui n’exercent pas bénévolement mettent en avant la contrepartie financière de tout service proposé (coiffeur, infirmier...). En effet, ne dit-on pas que tout travail mérite salaire?

La communauté francophone est extrêmement importante. Les groupes Facebook se multiplient : “Wiccans et Sorcières de France” compte plus de 4 000 membres (alors que la Wicca reste une particularité de la sorcellerie, une branche spécifique), “Sorcières, mages et mentors” plus de 4 900... Ces groupes sont de plus actifs, avec un minimum de deux publications par jours, mais pouvant surtout aller jusqu’à plusieurs dizaines! Mais nuançons les chiffres français, car des francophones écrivent en anglais afin d’avoir une meilleure visibilité.

Les cartes de tarot sont l’un des sujets fréquemment abordés au sein des groupes spécifiques à la sorcellerie.

La popularité s’observe également par les hashtags. Il n’y a qu’à aller taper “#sorcière” ou “#sorcellerie” afin de s’en rendre compte (même si nous sommes loins des identifications anglophones “#witchcraft” ou “#witch”).

Outre Facebook, Instagram est aussi très utilisé, entre des individus pratiquants qui se font une renommée numérique et des contenus qui vont aider à pratiquer. Les réflexions y sont partagées, et le compte Instagram donne alors une plus grande visibilité. Le hashtag fédérateur par excellence est sans nul doute “#witchesofinstagram”, qui rassemble 5 315 017 publications! Les images sont souvent de belles photographies dans lesquelles la mise en scène est soignée.

YouTube n’est pas en reste non plus, et l’on y trouve des pages avec beaucoup d’abonnés. Athénos Ashango Gidi compte 32 400 abonnés, Anne-Sophie Pau plus de 28 100 abonnés, Claire de la Lune en possède 21 000, Lyra Ceoltoir 8 690. On trouve sur leurs pages tes tutoriels, des FAQ, des challenges, des prières, ou bien des vidéos faites d’explications.

Mais peut-on pour autant parler d’influenceuses en ce qui concerne les sorcières? C’est assez délicat étant donné le large public que touchent les influenceuses traditionnelles. Une sorcière active sur les réseaux ne touchera jamais autant de monde. Mais sur certains blogs, on trouve tout de même de véritables foires aux questions. Ces questions peuvent aider chacun, même des débutants, et les réponses sont donc écoutées par les followers. Suffisamment pour les considérer comme des influenceuses? À vous de vous faire une idée en ayant bien en tête la comparaison avec les plus célèbres actuelles.

Mais... Pourquoi une aussi grande utilisation d’Internet? On sent un véritable intérêt de partager et de se rassembler afin d’apprendre ou d’approfondir ses connaissances. Les questions sont principalement pratiques, afin de chercher des informations et renseignements utiles. Les partages d’images sont aussi très présents, avec notamment des photographies d’autels et de rituels réalisés. Les adeptes et les pratiquants se sentent moins seuls face à cette pratique occulte.

Les incantations sont souvent complexes. Être aidé afin de bien les pratiquer peut en rassurer beaucoup.

La sorcellerie sur Internet permet aussi de se lier à ce milieu sans y impliquer sa vie personnelle. Seule une infime partie des suiveurs de ses pages partagent sur leurs pages personnelles des contenus magiques. Les possesseurs de pages professionnelles les dissocient d’ailleurs bien souvent de leurs pages personnelles. Preuve supplémentaire au niveau de la discrétion de ce milieu, qui parmi vous avait déjà entendu parler de cette sorcellerie moderne?

Puis, toutes ces causes mélangées, ne peut-on pas voir dans cette sorcellerie moderne un besoin d’échapper au monde rationnel qui nous entoure? Celui-ci se fait de plus en plus complexe, dangereux... Guerres, attentats, pandémie... Qui ne chercherait pas actuellement à vouloir s’éloigner de cette triste réalité terre-à-terre?

La sorcellerie, pratique ancienne et bien souvent associée au Moyen-Age, perdure toujours de nos jours. Internet en est désormais l’un de ses principaux moyens d’exercer et de se mettre en avant. Vous aurez sûrement appris beaucoup de choses ici, alors n’hésitez pas à aller voir les pages, hashtags et comptes réseaux dont nous avons parlé au sein de cet article. Nous vous réservons même un article en un entretien avec une jeune femme mêlée au milieu de la sorcellerie, et ses rapports donc à l’Internet en lien à ses pratiques. Restez connectés, vous replongerez le temps d’un article dans le milieu de la sorcellerie.

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