Les Scambaiters, des justiciers de l’ombre d’Internet

7/8/20

Actualité

Une constatation s’est effectuée au sein de l’équipe de Colibri Media, c’est qu’Internet ne parlait pas assez des Scambaiters. Des quoi, me direz-vous? Et ben justement, nous allons tâcher de remédier à cette ignorance de l’existence de ces hommes qui traquent les escrocs et fraudeurs de l’Internet.

Les Scambaiters (parfois maladroitement traduit par “croque-escrocs” en français) effectuent une veille sur Internet afin de rester vigilants et de débusquer les escrocs et les extorqueurs d’Internet. Ils se font passer pour des victimes afin que le coupable perde du temps et des ressources pendant qu’il fourni sans s’en rendre compte des informations qui permettront ensuite aux autorités de les arrêter. Certains Scambaiters vont même jusqu’à rendre publique l’identité de l’escroc sur le Net, l’humiliant publiquement et lui assurant une marge de manoeuvre extrêmement faible.

Des escroqueries sont plus concernées que d’autres ici : fraudes aux soutiens techniques ou bien fraude dite 4-1-9. Cette fraude très répandue consiste à promettre l’arrivée d’une somme importante à une victime qui aurait gagné quelque chose sur Internet (donation hasardeuse et aléatoire d’un généreux donateur mourant, millionième visiteur d’un site, gain à un jeu concours ou à un sondage tous deux inexistants) . En cas de réponse de la victime, l’escroc glane des informations d’identité bancaire ou bien même lui fait effectuer un paiement afin de permettre l’arrivée de la somme prétendument gagnée. C’est là que fonctionne l’escroquerie. Ce type d’escroquerie est également nommée arnaque à la nigérianne (la dénomination de 4-1-9 vient d’ailleurs du code nigérian qui sanctionne cette fraude), mais ce terme est aujourd’hui sujet à une controverse sur l’aspect racial et négatif de cette dénomination.

Les Scambaiters peuvent avoir plusieurs objectifs. Certains prennent cela comme un véritable amusement alors que d’autre font preuve d’un véritable activisme via un modèle d’action civique numérique.

Parler de ces Scambaiters est intéressant, mais penchons-nous maintenant vers leurs méthodes et passons à une partie de l’article plus tournée vers l’investigation. En effet, il n’existe pas, pour eux, une seule et unique méthode. Celles-ci vont s’adapter aux types d’escroqueries face auxquelles ils se trouvent.

Quand l’arnaque passe par une communication écrite (ce que nous avons tous ou presque reçu par mail dans les derniers mois ou les dernières années), ils utilisent des comptes de messagerie jetables et périssables et se font passer pour réceptifs aux offres proposées. De là, la discussion va s’engager et les informations vont alors être révélées au fur et à mesure. L’escroc pense avoir en face de lui une victime qui plonge les deux pieds en avant, alors qu’en réalité il s’agit d’un bienfaiteur souhaitant le faire tomber.

Cela est plus technique en ce qui concerne ces appâtages par téléphone. Les Scambaiters consultent les répertoires existants qui répertorient les numéros des escrocs (cela vous arrive de tomber dessus quand vous recherchez sur Internet un numéro qui vous a contacté sur Internet et qu’il s’agit en réalité d’une escroquerie, technique qui fonctionne principalement pour les numéros d’appels automatisés). De là, ils parviennent à localiser ceux qui sont actifs et peuvent alors recouper les informations. De faux messages pop-up sont même envoyés et font office d’avertissements venant d’une société telle qu’Apple ou Microsoft.

Le scambaiting nécessite que l’appâtage soit le plus long possible. En leur faisant gaspiller du temps, les escrocs ne communiquent pas avec des victimes potentielles et n’agissent donc pas (enfin si, ils pensent agir avec une victime alors qu’il s’agit en réalité d’un Scambaiter).

Plusieurs astuces sont déployées afin de gagner des informations sur les fraudeurs et leur véritable (ou non) identité. Certains Scambaiters leur font même remplir des questionnaires complets et complexes, ou tentent même d’inciter les fraudeurs à effectuer de longs voyages (le but est bien entendu toujours lié à la fraude, il faut que la version se tienne). Dans quel intérêt me direz-vous? Une part des réponses des questionnaires ou bien des discussions de voyages vont révéler une syntaxe, des tournures de phrases, des mots même, non appropriés et qui révèleront que la personne de l’autre côté de l’écran n’est pas une riche personne ou un huissier vous apportant un gain mais un fraudeur.

Il existe également des méthodes numériques comme l’utilisation de chevaux de Troie ou d’outils administratifs à distance. Les Scambaiters peuvent alors endommager la machine de l’escroc ou bien lui soutirer des informations essentielles afin de parvenir à leurs fins. Les discussions et informations sont parfois même publiquement diffusées sur le Net.

Il faut également que les Scambaiters trouvent des pseudonymes. Il serait extrêmement risqué de faire ça sous sa réelle identité. La plupart de ses escroqueries ne venant pas du monde occidental et de notre culture, les Scambaiters utilisent souvent des références qui vont être ridicules pour les anglophones (petit pied-de-nez supplémentaire aux escrocs), introduisant même des personnages de films ou de télévision afin de pimenter la chose.

Quand les escroqueries sont effectuées par des Indiens (ce qui est notamment souvent le cas pour celles au support technique ou les arnaques au remboursement), les Scambaiters vont même aller jusqu’à se procurer des listes de grossièretés et d’insultes en hindi afin d’abuser de l’escroc tout en le tournant à la dérision.

Avant cet article, je suis persuadé que la plupart d’entre vous ne connaissaient pas les Scambaiters. Nous tenions à faire un article à leur sujet tant nous entendons peu parler d’eux alors que leur travail est véritablement dans le sens du bien numérique du plus grand nombre!

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