“Distributed Denial of Secrets” : un serveur (le principal?) saisi en Allemagne

16/7/20

Actualités

Bon nombre d’entre vous ont certainement suivi après son lancement en octobre 2006 l’histoire de la plateforme Wikileaks. Fondée par Julian Assange et basée en Islande, cette organisation non gouvernementale (ONG) a pour objectif de publier des documents confidentiels au plus grand nombre tout en protégeant soigneusement ses sources. Plusieurs millions de documents ont été divulgués (violation des droits de l’homme, espionnage, corruption...). Julian Assange est notamment depuis dix ans au cours d’importants soucis judiciaires dû à la divulgation de certains documents.
Mais vous connaissez peut être moins Distributed Denial of Secrets, DDoSecrets, plus récent et qui semble bien plus engagé mais moins médiatisé auprès du grand public (qui a d’ailleurs pour une grande partie connu Wikileaks par les scandales judiciaires autour de son fondateur). Un serveur de DDoSecrets a récemment été saisi en Allemagne, voyons donc un peu cette affaire et ce qu’est vraiment DDoSecrets.

DDoSecrets a pour objectif de “faciliter la libre diffusion de données d’intérêt public”. Le site va bien plus loin que Wikileaks, diffusant des documents que Julian Assange et ses collaborateurs avaient refusé de divulguer (c’est notamment le cas de fichiers du ministère de l’intérieur russe, refusés en 2016). Le site, très épuré pour se centrer sur le contenu, a un nom qui fait référence au Distributed Denial of Service Attack (en français attaque en déni de service), un type d’agression informatique.

La première grande divulgation eut lieu le 25 janvier 2019. 108GB de documents issus de Russie désormais rendus accessibles, et bien entendu parfois centrés sur des figures importantes du pays. L’immense crise attendue par cette divulgation n’a pas eu lieu dans les documents étaient nombreux et complexes.

Alors que DDoSecrets pourrait se positionner comme complémentaire à Wikileaks, ce n’est pas le cas. Il est plutôt question d’un renouveau, d’autre chose, critiquant même sur leur page les agissements finalement vite retombés en intérêts des autres “leaks” (sans toutefois ne jamais cité l’organisation de J. Assange). Ce qui n’empêche pas Emma Best, cofondatrice de DDoSecrets, d’avoir des propos négatifs au sujet de Julian Assange. Dans un article du New York Times, elle se dit “déçue” de lui, lui trouvant un “comportement malhonnête et égocentrique”). Elle a d’ailleurs même publié des conversations privées du Twitter de Wikileaks (plus de 10 000 messages).

Emma Best est d’ailleurs la seule personne dont nous connaissons l’identité au sein de ce collectif. Ils sont en tout une vingtaine, mais elle n’a pas hésité à se faire connaître et donner des interviews publiques malgré le côté extrêmement “borderline” de son projet.

DDoSecrets est controversé jusque par des particuliers. Le principe de Wikileaks a été bien accueilli dans l’ensemble, mis à part par les personnalités qui étaient ciblées ou celles qui ont craint des révélations. Mais là, un acte a porté à mal l’image de l’organisation. En effet, ils ont piraté des données sur des sites importants tel que LinkedIn, et avait aussi envisagé de rendre accessibles les données qui étaient ressorties du piratage du site de rencontres Ashley Madison (elles datent de 2015 mais étaient restées sur les serveurs ; DDoSecrets ne l’a pas fait non plus finalement face à des chantages, des démissions, des suicides même, mais précise qu’en les ayant, il leur est possible de les fournir sur demande).

Mais DDoSecrets est dans la tourmente depuis quelques jours. Tout s’est accéléré depuis le mois de juin 2020. Le 19 juin, plus d’un million de fichiers concernant la police américaine ont été divulgués : les BlueLeaks. D’après Emma Best, ils lui ont été remis par un hacker se revendiquant d’Anonymous. La situation mondiale était alors en partie hostile envers les forces de l’ordre après la mort de George Best aux États-Unis.

Si vous vous êtes rendus sur les BlueLeaks avant le 7 juillet, vous avez pu les consulter. Mais depuis, les documents ne sont plus accessibles. En effet, le serveur qui hébergeait le site a été saisi en Allemagne. Le matériel informatique a été pris, condamnant ce même serveur.

Emma Best a bien entendu réagi. Sur Twitter tout d’abord : “Le serveur ne servait QUE à distribuer les données au public. Il n’avait aucun contact avec les sources, et ne servait à rien d’autre qu’éclairer le public avec des publications journalistiques”. Elle a par la suite déclaré à Motherboard que ce coup dur ne signifiait pas pour autant la fin de DDoSecrets : “Nous allons mettre en place un nouvel hébergement de données. Le serveur tombe au parfait moment, puisque nous allions le reconstruire en tous cas. C’est un coup dur et ça viole l’idéal de la liberté de la presse, mais nous survivrons”.

Pour ses détracteurs et ses opposants, il s’agit là d’un coup de maître de la part de la police allemande qui fait tomber DDoSecrets. Pour sa figure de proue et ses partisans, ce n’est que le début vers une ère nouvelle. Ne sont-ce là que des mots, ou bien l’organisation tombe-t-elle pour mieux se relever? Nous le verrons sans doute dans les mois à venir.

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